mardi 4 novembre 2025

Le prix du silence — pourquoi je ne me cache plus

 Pendant longtemps, j’ai écrit dans l’ombre.

Je publiais mes romans érotiques discrètement et je faisais mon possible pour glisser sur le style de mes livres quand on me posait la question. Je suis issue d’une famille d’intellectuels où les grands noms du cinéma et de la littérature étaient cités en permanence, lors des diners en famille élargie, le dimanche, après la traditionnelle messe. Eh oui, un foyer catholique.

 

Dans ces discussions philosophiques et politiques très animées, il n'y avait pas de place bien sûr pour les auteures comme « Barbara Cartland » et/ou encore « Cherise Sinclair » avec ses romans BDSM, qui étaient bien sûr boudés et méprisés ― et bien sûr considérés comme des romans de seconde catégorie.

 

Si bien que pendant longtemps, j’ai même écrit mes romans d’amour sans leur accorder une grande valeur… Dans la vie de tous les jours, j’écrivais du fantastique, mêlant récit de cape et d’épée au surnaturel,  à la mode du Tolkien, mon écrivain favori ou encore avec d'épiques combats entre sorciers et loups-garous à la mode de J.K. Rolling.

 

Je lisais bien souvent mes livres à mes trois petites filles qui adoraient les récits merveilleux dont je les gavais. Je me sentais très fière de cet univers fantastique que j’avais construit progressivement et qui était une manière pour moi de transposer les souffrances de mon passé en leçons de vie pour mes enfants.

 

Évidemment, j’écrivais aussi des romans un peu plus fleur bleue… mais je ne mettais en avant que mes récits fantastiques et je parlais un peu moins de mon autre passion, celle pour les romans d’amours avec ou sans érotisme.

 

Quand j’ai commencé à écrire de la romance BDSM… alors là! Je m’cachais encore plus!


Mon premier roman à saveur BDSM, La Captive de l’amour et le Bazillionnaire, fut publié sur une application mobile, sous mon pseudo d’artiste et où j’avais confiance que personne de ma famille, de mes amis ou encore — et aussi surtout — en Église ne risquait non de découvrir mon secret.

 

Ce n’est pas tant que je m’en cachais. Non. En fait, je n’ai jamais caché mon pseudonyme, ni que j’écrivais des livres et qu’on pouvait aller les lires sur une appli mobile… Je tablais plutôt sur leur manque d’intérêt pour ma carrière d’écrivaine, me confortant en me disant qu’ils ne prendraient même jamais la peine de télécharger l’appli mobile pour aller voir ce que j’écrivais… Cela, même si les dix premiers chapitres de mes livres sont toujours gratuits, et que donc ce serait très facile à qui le veut d’aller jeter un œil à mes œuvres sans nécessairement être forcé d’acheter le livre…

 

Cette attitude est sans doute symptomatique de mon manque de confiance en moi...

 

Personnellement, je n’ai jamais non plus fait pression sur qui que ce soit, de ma famille ou de mes proches, pour qu’ils lisent mes livres! En fait, je crois même que ça m’arrangeait qu’ils ne les lisent pas et je préférerais nettement que mes trois filles ne lisent jamais au grand jamais mes romans érotiques!

 

Bref, ça faisait parfaitement mon affaire que le commun des mortels ignore qui est Honey Goldfish sous ce nom de plume que j'utilise.

 

En fait, j’ai même toujours été convaincue qu’il était plus sûr d’utiliser un pseudonyme dans ce monde numérique où la cyberintimidation est un problème réel.

 

Que donc, c’était mieux ainsi.

 

Séparer la vie professionnelle de la vie personnelle.

 

Séparer la vie de famille de tout le reste.

 

Tout compartimenter.

 

C’est devenu une seconde nature pour moi, sans doute par la faute de ces intimidateurs de mon enfance qui m’ont convaincu toute jeune qu’un simple nom de famille ainsi que d'horribles lunettes suffisaient à faire de vous un citoyen de seconde catégorie.

 

Et que donc, pour être prise au sérieux, je devais garder mes désirs à distance, mes fantasmes à l’abri, mes mots entre parenthèses.

 

Je me disais : « Les gens ne me prendront jamais au sérieux si je leur dis que je suis une romancière écrivant du roman érotique. »

Et j’avais raison. Certains ne comprennent toujours pas.

 

Mais un jour, j’ai décidé que cela ne me suffisait plus.

 

Je me suis dit : « Je refuse de laisser la peur décider de la femme et de l’autrice que je suis! Je refuse de me taire sous prétexte que mon univers dérange! »

 

Le prix du silence

 

Quand on cache constamment ce que l’on est, ce que l’on aime, ce qui nous fait nous lever le matin… on paie un prix silencieux.

 

On se déchire.

 

Une dualité s’installe entre la personne qu’on montre et celle qu’on EST.

 

Et à force de cacher, on finit par croire qu’il y a effectivement quelque chose à cacher.

 

Durant longtemps, j’ai eu honte de mon genre littéraire.

J’écrivais de la romance érotique, et pire encore — j’osais parler de domination et de soumission dans le couple. J’utilise dans mes livres de vilains mots tels que le « Maitre »  et « Esclave ».

 

Pas pour choquer.

Pas pour provoquer.

 

Non, pour déranger non plus et encore moins pour faire du fric parce que ça ne rapporte pas tant que ça croyez-moi!

 

Mais plutôt parce que ce monde, celui de cette danse fantastique entre les partenaires, cet univers marqué par le contrôle et inversement de l’abandon, mais aussi de ce petit jeu sensuel des corps qui s’enlacent et des âmes qui se trouvent… est aussi synonyme pour moi de confiance et de libération.

 

Dans mes livres, je raconte la vérité nue sur nos besoins les plus humains : être vus, entendus, désirés, acceptés.

 

Et pourtant, combien de fois ai-je minimisé ce que j’écrivais?

 

Combien de fois ai-je effacé mes propres mots avant même de leur donner une chance d’exister ?

 

Chaque fois que je me censurais, je renforçais l’idée que ma voix devait rester en marge.

Et ça, c’est un prix trop lourd à payer.

 

La fracture intérieure

 

En moi, il y a plusieurs fractures intérieures… D’abord, il y a l’enfant blessée. Celle à qui on a dit trop souvent qu’elle ne valait rien. Celle qui trop longtemps fut ridiculisée. Celle qui ne savait pas comment s’affirmer en vieillissant et le faisait très mal. Il y a aussi l’ex-toxico. L’adolescente qui gelait ses émotions.

 

Il y a aussi l’ex-femme bafouée sortant d’une relation abusive, qui a dû se refaire après son divorce. Et, ce dont je suis très fière, il y a aussi la mère monoparentale qui a tout fait pour se relever et que sa foi chrétienne a soutenue. Celle qui s’efforce de suivre les préceptes du Christ et de les appliquer concrètement dans sa vie.

 

Toutes ces fractions de moi-même coexistent, comme autant d’épreuves qui m’ont façonnée et ont fait de moi la femme que je suis.

 

Et enfin, oui, enfin! Il y a une dernière facette de moi… l’Écrivaine qui m’a permis de traverser tout ça. Celle qui utilise l’art comme une soupape… un exutoire. Celle qui utilise sa plume pour se battre!

 

Celle qui donne vie à tous ces personnages, comme autant de facettes de moi-même et que mes lecteurs et lectrices connaissent.

 

L’auteure : Honey Goldfish, passionnée, intense… libérée.

 

Celle qui comprend ce que signifie faire confiance jusqu’à se livrer.

Celle qui sait que la domination n’est pas forcément la destruction quand elle est vécue entre deux partenaires consentants, mais plutôt une danse d’équilibre, une offrande réciproque.

 

Le BDSM, dans mes histoires comme dans ma vie, n’est pas une déviation.

C’est une forme d’art.

Un espace où la vulnérabilité devient force, où la douleur devient langage, où le corps parle quand les mots échouent.

 

C’est cela que j’écris.

Et c’est cela que je ne veux plus cacher.

 

Retrouver ma voix

 

La vérité, c’est que le secret me volait mon énergie.

À force de filtrer mes mots et de mesurer chaque phrase, j’en suis venue à écrire à moitié.

Moitié lumière, moitié ombre.

Et un jour, j’ai compris que mon écriture ne respirait plus.

 

Il y avait deux facettes qui se battaient en moi. L'écrivaine de récits fantastiques et la romancière, axée sur l'érotisme.

 

La honte éteint la flamme créatrice.

La peur la fait vaciller.

Mais l’acceptation — la vraie — la rallume d’un feu plus clair.

 

Aujourd’hui, je ne fais que suivre mon inspiration quand j’écris. Je laisse ma plume vagabonder avec mon esprit là où il me conduit! Et si tout à coup j’ai envie de mêler plusieurs genres, dansant entre fantastique et fantasme… je n’hésite pas non plus à le faire. Ma plume peut être un moment très fleur bleue, puis la minute d’après, un alpha très dominant fait son apparition, subjuguant mes lectrices et lecteurs de son aura surnaturelle.

 

Je prends la vie comme elle vient.

 

À fleur d'encre.

 

Je parle aussi bien plus ouvertement de mon univers, de mes thématiques, de mes désirs.

 

Parce que c’est en me montrant entièrement que mes histoires trouvent leur pleine vérité. Ces histoires sont après tout une partie de moi!

 

Oser se mettre à nue

 

Être visible, ce n’est pas crier plus fort.

C’est se tenir debout dans sa vérité, même quand elle dérange.

 

C’est dire : « Oui, j’écris de l’érotisme. Oui, j’aime le BDSM. Et oui, c’est une forme d’art, de littérature, d’exploration de l’âme humaine. » Et oui, j’écris aussi parfois des trucs franchement « kinkys » avec des alphas et leur compagne prédestinée ou d’obscurs avocats, procureur de la couronne aux ancêtres Faës.

 

Pour cette raison spécifique, je sais que certains ne prendront jamais mes livres au sérieux.

Parce qu’ils parlent de plaisir. Parce qu’ils parlent de corps. Parce qu'ils osent laisser errer l'imagination et colorer en dehors des petites lignes séparant les genres. Parce qu’ils osent aussi être très « kinkys », comme de petits plaisirs secrets.

 

Mais je sais aussi que d’autres s’y reconnaîtront.

Qu’ils y verront, eux aussi, une manière de guérir, d’aimer, de comprendre…d’exister.

 

Et si mes mots peuvent offrir cela — un reflet, une permission, une respiration — alors j’aurai gagné quelque chose d’immense : la liberté d’être moi.

 

Ce que j’assume aujourd’hui

 

Je ne suis pas seulement une auteure de romans fantastiques, mais aussi de romans érotiques. Parce que l’un n’exclut plus forcément l’autre.

 

À travers mes livres, je suis aussi et surtout une femme qui écrit la complexité du désir, la fragilité du pouvoir, la beauté du lien.

 

Je suis une conteuse de chair et d’âme.

 

Et je n’ai plus peur que cela me définisse.

 

Je n’ai plus peur que l’on me juge, ou que l’on me prenne moins au sérieux.

 

Parce que la vérité, c’est que je n’ai jamais été aussi sérieuse que maintenant.

 

En conclusion

 

Je choisis la lumière, même si elle expose mes zones d’ombre.

Je choisis de partager mes histoires, de parler de mon art, d’assumer mes désirs et mes fantasmes.

Parce que c’est ainsi qu’on réconcilie les morceaux de soi qu’on a trop longtemps séparés.

 

Écrire, c’est s’offrir au monde.

Et je veux m’offrir sans peur, sans filtre, sans excuses.

― Honey Goldfish


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