Pendant longtemps, j’ai écrit dans l’ombre.
Je publiais mes romans érotiques discrètement
et je faisais mon possible pour glisser sur le style de mes livres quand on me
posait la question. Je suis issue d’une famille d’intellectuels où les grands noms
du cinéma et de la littérature étaient cités en permanence, lors des diners en
famille élargie, le dimanche, après la traditionnelle messe. Eh oui, un foyer
catholique.
Dans ces discussions
philosophiques et politiques très animées, il n'y avait pas de place bien sûr
pour les auteures comme « Barbara Cartland » et/ou encore « Cherise
Sinclair » avec ses romans BDSM, qui étaient bien sûr boudés et méprisés ―
et bien sûr considérés comme des romans de seconde catégorie.
Si bien que pendant longtemps, j’ai
même écrit mes romans d’amour sans leur accorder une grande valeur… Dans la vie
de tous les jours, j’écrivais du fantastique, mêlant récit de cape et d’épée au
surnaturel, à la mode du Tolkien, mon
écrivain favori ou encore avec d'épiques combats entre sorciers et loups-garous
à la mode de J.K. Rolling.
Je lisais bien souvent mes livres
à mes trois petites filles qui adoraient les récits merveilleux dont je les gavais.
Je me sentais très fière de cet univers fantastique que j’avais construit
progressivement et qui était une manière pour moi de transposer les souffrances
de mon passé en leçons de vie pour mes enfants.
Évidemment, j’écrivais aussi des
romans un peu plus fleur bleue… mais je ne mettais en avant que mes récits fantastiques
et je parlais un peu moins de mon autre passion, celle pour les romans d’amours
avec ou sans érotisme.
Quand j’ai commencé à écrire de la
romance BDSM… alors là! Je m’cachais encore plus!
Mon premier roman à saveur BDSM, La Captive de l’amour et le Bazillionnaire,
fut publié sur une application mobile, sous mon pseudo d’artiste et où j’avais
confiance que personne de ma famille, de mes amis ou encore — et aussi surtout —
en Église ne risquait non de découvrir mon secret.
Ce n’est pas tant que je m’en cachais.
Non. En fait, je n’ai jamais caché mon pseudonyme, ni que j’écrivais des livres
et qu’on pouvait aller les lires sur une appli mobile… Je tablais plutôt sur
leur manque d’intérêt pour ma carrière d’écrivaine, me confortant en me disant
qu’ils ne prendraient même jamais la peine de télécharger l’appli mobile pour
aller voir ce que j’écrivais… Cela, même si les dix premiers chapitres de mes
livres sont toujours gratuits, et que donc ce serait très facile à qui le veut
d’aller jeter un œil à mes œuvres sans nécessairement être forcé d’acheter le
livre…
Cette attitude est sans doute
symptomatique de mon manque de confiance en moi...
Personnellement, je n’ai jamais
non plus fait pression sur qui que ce soit, de ma famille ou de mes proches, pour
qu’ils lisent mes livres! En fait, je crois même que ça m’arrangeait qu’ils ne
les lisent pas et je préférerais nettement que mes trois filles ne lisent
jamais au grand jamais mes romans érotiques!
Bref, ça faisait parfaitement mon
affaire que le commun des mortels ignore qui est Honey Goldfish sous ce nom de
plume que j'utilise.
En fait, j’ai même toujours été convaincue
qu’il était plus sûr d’utiliser un pseudonyme dans ce monde numérique où la
cyberintimidation est un problème réel.
Que donc, c’était mieux ainsi.
Séparer la vie professionnelle de
la vie personnelle.
Séparer la vie de famille de tout
le reste.
Tout compartimenter.
C’est devenu une seconde nature
pour moi, sans doute par la faute de ces intimidateurs de mon enfance qui m’ont
convaincu toute jeune qu’un simple nom de famille ainsi que d'horribles
lunettes suffisaient à faire de vous un citoyen de seconde catégorie.
Et que donc, pour être prise au
sérieux, je devais garder mes désirs à distance, mes fantasmes à l’abri, mes
mots entre parenthèses.
Je me disais : « Les gens ne
me prendront jamais au sérieux si je leur dis que je suis une romancière
écrivant du roman érotique. »
Et j’avais raison. Certains ne
comprennent toujours pas.
Mais un jour, j’ai décidé que
cela ne me suffisait plus.
Je me suis dit : « Je refuse
de laisser la peur décider de la femme et de l’autrice que je suis! Je refuse
de me taire sous prétexte que mon univers dérange! »
Le prix du silence
Quand on cache constamment ce que
l’on est, ce que l’on aime, ce qui nous fait nous lever le matin… on paie un
prix silencieux.
On se déchire.
Une dualité s’installe entre
la personne qu’on montre et celle qu’on EST.
Et à force de cacher, on finit
par croire qu’il y a effectivement quelque chose à cacher.
Durant longtemps, j’ai eu honte
de mon genre littéraire.
J’écrivais de la romance
érotique, et pire encore — j’osais parler de domination et de soumission dans
le couple. J’utilise dans mes livres de vilains mots tels que le « Maitre »
et « Esclave ».
Pas pour choquer.
Pas pour provoquer.
Non, pour déranger non plus et
encore moins pour faire du fric parce que ça ne rapporte pas tant que ça
croyez-moi!
Mais plutôt parce que ce monde,
celui de cette danse fantastique entre les partenaires, cet univers marqué par
le contrôle et inversement de l’abandon, mais aussi de ce petit jeu sensuel des
corps qui s’enlacent et des âmes qui se trouvent… est aussi synonyme pour moi de
confiance et de libération.
Dans mes livres, je raconte la
vérité nue sur nos besoins les plus humains : être vus, entendus, désirés,
acceptés.
Et pourtant, combien de fois
ai-je minimisé ce que j’écrivais?
Combien de fois ai-je effacé mes
propres mots avant même de leur donner une chance d’exister ?
Chaque fois que je me censurais,
je renforçais l’idée que ma voix devait rester en marge.
Et ça, c’est un prix trop lourd à
payer.
La fracture intérieure
En moi, il y a plusieurs
fractures intérieures… D’abord, il y a l’enfant blessée. Celle à qui on a dit
trop souvent qu’elle ne valait rien. Celle qui trop longtemps fut ridiculisée.
Celle qui ne savait pas comment s’affirmer en vieillissant et le faisait très
mal. Il y a aussi l’ex-toxico. L’adolescente qui gelait ses émotions.
Il y a aussi l’ex-femme bafouée sortant
d’une relation abusive, qui a dû se refaire après son divorce. Et, ce dont je
suis très fière, il y a aussi la mère monoparentale qui a tout fait pour se
relever et que sa foi chrétienne a soutenue. Celle qui s’efforce de suivre les
préceptes du Christ et de les appliquer concrètement dans sa vie.
Toutes ces fractions de moi-même coexistent,
comme autant d’épreuves qui m’ont façonnée et ont fait de moi la femme que je
suis.
Et enfin, oui, enfin! Il y a une
dernière facette de moi… l’Écrivaine qui m’a permis de traverser tout ça. Celle
qui utilise l’art comme une soupape… un exutoire. Celle qui utilise sa plume
pour se battre!
Celle qui donne vie à tous ces
personnages, comme autant de facettes de moi-même et que mes lecteurs et
lectrices connaissent.
L’auteure : Honey Goldfish,
passionnée, intense… libérée.
Celle qui comprend ce que
signifie faire confiance jusqu’à se livrer.
Celle qui sait que la domination
n’est pas forcément la destruction quand elle est vécue entre deux partenaires
consentants, mais plutôt une danse d’équilibre, une offrande réciproque.
Le BDSM, dans mes histoires comme
dans ma vie, n’est pas une déviation.
C’est une forme d’art.
Un espace où la vulnérabilité
devient force, où la douleur devient langage, où le corps parle quand les mots
échouent.
C’est cela que j’écris.
Et c’est cela que je ne veux plus
cacher.
Retrouver ma voix
La vérité, c’est que le secret me
volait mon énergie.
À force de filtrer mes mots et de
mesurer chaque phrase, j’en suis venue à écrire à moitié.
Moitié lumière, moitié ombre.
Et un jour, j’ai compris que mon
écriture ne respirait plus.
Il y avait deux facettes qui se
battaient en moi. L'écrivaine de récits fantastiques et la romancière, axée sur
l'érotisme.
La honte éteint la flamme
créatrice.
La peur la fait vaciller.
Mais l’acceptation — la vraie —
la rallume d’un feu plus clair.
Aujourd’hui, je ne fais que
suivre mon inspiration quand j’écris. Je laisse ma plume vagabonder avec mon
esprit là où il me conduit! Et si tout à coup j’ai envie de mêler plusieurs genres,
dansant entre fantastique et fantasme… je n’hésite pas non plus à le faire. Ma plume
peut être un moment très fleur bleue, puis la minute d’après, un alpha très
dominant fait son apparition, subjuguant mes lectrices et lecteurs de son aura
surnaturelle.
Je prends la vie comme elle
vient.
À fleur d'encre.
Je parle aussi bien plus
ouvertement de mon univers, de mes thématiques, de mes désirs.
Parce que c’est en me montrant
entièrement que mes histoires trouvent leur pleine vérité. Ces histoires sont
après tout une partie de moi!
Oser se mettre à nue
Être visible, ce n’est pas crier
plus fort.
C’est se tenir debout dans sa
vérité, même quand elle dérange.
C’est dire : « Oui, j’écris
de l’érotisme. Oui, j’aime le BDSM. Et oui, c’est une forme d’art, de
littérature, d’exploration de l’âme humaine. » Et oui, j’écris aussi parfois
des trucs franchement « kinkys » avec des alphas et leur compagne
prédestinée ou d’obscurs avocats, procureur de la couronne aux ancêtres Faës.
Pour cette raison spécifique, je
sais que certains ne prendront jamais mes livres au sérieux.
Parce qu’ils parlent de plaisir.
Parce qu’ils parlent de corps. Parce qu'ils osent laisser errer l'imagination
et colorer en dehors des petites lignes séparant les genres. Parce qu’ils osent
aussi être très « kinkys », comme de petits plaisirs secrets.
Mais je sais aussi que d’autres
s’y reconnaîtront.
Qu’ils y verront, eux aussi, une
manière de guérir, d’aimer, de comprendre…d’exister.
Et si mes mots peuvent offrir
cela — un reflet, une permission, une respiration — alors j’aurai gagné quelque
chose d’immense : la liberté d’être moi.
Ce que j’assume aujourd’hui
Je ne suis pas seulement une auteure
de romans fantastiques, mais aussi de romans érotiques. Parce que l’un n’exclut
plus forcément l’autre.
À travers mes livres, je suis
aussi et surtout une femme qui écrit la complexité du désir, la fragilité du
pouvoir, la beauté du lien.
Je suis une conteuse de chair et
d’âme.
Et je n’ai plus peur que cela me
définisse.
Je n’ai plus peur que l’on me
juge, ou que l’on me prenne moins au sérieux.
Parce que la vérité, c’est que je
n’ai jamais été aussi sérieuse que maintenant.
En conclusion
Je choisis la lumière, même si
elle expose mes zones d’ombre.
Je choisis de partager mes histoires,
de parler de mon art, d’assumer mes désirs et mes fantasmes.
Parce que c’est ainsi qu’on
réconcilie les morceaux de soi qu’on a trop longtemps séparés.
Écrire, c’est s’offrir au monde.
Et je veux m’offrir sans peur,
sans filtre, sans excuses.
― Honey Goldfish
















